Communiqué de presse du 13 mai 2022
Secteur principal de la construction
Depuis plus de 15 ans maintenant, les syndicats de la construction ,et tout particulièrement le SIT, dénoncent la sous-traitance abusive.
Depuis plus de 15 ans maintenant, les syndicats de la construction, et tout particulièrement le SIT, dénoncent la sous-traitance abusive.
Salaires impayés, fraudes massives aux assurances sociales et faillites en cascade sont désormais la règle. Pour les cas les plus graves, pour autant que cela soit encore possible, une véritable traite des êtres humains est orchestrée.
Ces systèmes pensés, organisés comme une pieuvre, à l’instar des pires systèmes mafieux, gangrènent littéralement la construction. Leurs effets rejaillissent par ailleurs sur l’ensemble de la collectivité lorsqu’il s’agit de couvrir les millions de cotisations détournées à l’AVS.
Face à ces dérives qui ont débuté au début des années 2000 déjà, les syndicats ne sont pas restés sans réaction, loin s’en faut.
Sur le plan genevois, et le SIT en première ligne, ils réclament maintenant depuis des années, une limitation de la sous-traitance mais surtout une véritable responsabilité solidaire des entreprises. En bref, hormis un contrôle beaucoup plus strict des heures et des preuves du versement des salaires et des cotisations sociales, ils revendiquent le fait que si les entreprises principales prennent le risque d’engager ,dans leur logique de profits, un sous-traitant douteux et dans le cas où ledit sous-traitant n’assume pas le paiement des salaires des travailleurs et de leurs cotisations sociales et bien elles en assureront totalement le risque financier. Malgré d’innombrables dénonciations publiques et pénales pour des affaires qui ont défrayé la chronique, les représentants de la société suisse des entrepreneurs (SSE) et du groupement genevois des entreprises (GGE), associations patronales signataires des conventions collectives du secteur, jouent la sourde oreille. Ils usent de la politique de l’autruche et font mine de proposer des outils pour lutter contre ces abus dont ils sont en grande partie responsables ; comme l’attestation Multipack qu’ils vendent comme étant l’arme absolue contre les effets de la sous-traitance abusive.
L’attestation Multipack, c’est quoi en fait !
Pour faire court, l’attestation Multipack est un document délivré par les associations patronales, soit la SSE et le GGE, qui atteste qu’une entreprise est à jour avec les cotisations sociales, les impôts ou encore la SUVA. Valable pour une durée d’un mois renouvelable, elle est exigée pour tout marché de construction. Elle a pour but également de délier les entreprises principales de leur obligation légale en lien avec la pseudo-responsabilité solidaire fixée en 2013 dans la Loi sur les travailleurs détachés. Or, dans les faits, cette attestation, vendue comme étant un outil performant pour lutter contre les fraudes, peut être en fait un cache-sexe, un alibi pour les entreprises générales ou principales.
EKA Sàrl où quand l’importance de la Multipack est toute relative
Les administrateurs de l’entreprise EKA Sàrl sont connus du SIT depuis 15 ans tout comme du GGE du reste. Messieurs Hiseni et Osdautaj ont d’abord été poursuivis par le syndicat pendant des années dès 2013 pour différentes fraudes aux assurances sociales et autres arriérés de salaires impayés ou accords non respectés. Membre du GGE depuis 2007, leur entreprise tout d’abord en nom propre, sous l’entité d’EKA Coffrage, a accumulé des poursuites pour plus d’un demi-million de francs auprès de divers créanciers. Malgré cela, ils ont pu sans aucun souci créer une nouvelle entreprise à risque limité en 2013, EKA Sàrl, en restant toujours affiliés au GGE bien sûr. Le hic c’est que depuis cette période, cette entreprise n’a jamais été en ordre avec les assurances sociales ni les impôts mais a malgré tout pu bénéficier de la fameuse Multipack jusqu’à l’année dernière. Comment a-t-elle pu en bénéficier ? Mystère ! Elle a donc pu travailler jusqu’à aujourd’hui comme sous-traitant de grandes entreprises de la place en violant en toute impunité toutes ses obligations légales.
Le SIT siffle la fin de la partie et exige des comptes
Depuis des mois, le SIT était en discussion avec des travailleurs de l’entreprise EKA Sàrl pour la plupart sans-papiers. Exploités, sous-payés, ils ont finalement décidé d’agir. Les travailleurs étaient en possession de documents officiels de la commission paritaire genevoise du gros œuvre les informant officiellement qu’ils avaient droit à des arriérées de salaires très importants mais également d’un extrait de l’Office des poursuites concernant EKA Sàrl faisant état de poursuites de plus de 200’000 francs auprès des assurances sociales, de la SUVA et des impôts. Dans ces conditions, alors que leur patron s’apprêtait à mettre la clé sous la porte, comment se faisait-il qu’ils travaillaient encore en qualité de sous-traitants pour les entreprises PR Construction, Dunoyer et Induni toutes membres de la SSE, puissante association patronale signataire des CCT du secteur principalede la construction. Question légitime que le SIT a posé aux acteurs de concernés lors d’une action syndicale et d’une conférence de presse sur un des chantiers concernés jeudi 12 mai. Par voie de presse, Monsieur Peter Rupf, secrétaire du GGE et siégeant à la commission paritaire du gros œuvre, a fourni une partie de la réponse en déclarant que l’entreprise EKA SA, membre de son association patronale, ne s’était pas vu délivrer d’attestation Multipack par ses soins depuis un an. Au vu de cette réponse, une deuxième question s’imposait : dans ces conditions, comment était-il possible qu’EKA Sàrl ait pu travailler tout au long de cette dernière année pour de grandes entreprises de la place membres de la SSE ! Monsieur Rupf, y répond très clairement dans les colonnes de la Tribune de Genève dans son édition de vendredi « son cas est clairement problématique mais les entreprises générales ne vérifies pas toutes que leurs sous-traitants disposent de cette attestation ; elles regardent surtout le prix des prestations ».
A ce sujet, nous préciserons qu’il n’y a pas que les entreprises générales qui ne vérifient pas toutes que leurs sous-traitants disposent de l’attestation Multipack puisque le jour de son action syndicale, le SIT a identifié trois entreprises de la SSE qui travaillaient encore pour EKA Sàrl, parmi lesquelles figure l’entreprise Induni SA. Pour la petite histoire, un de ses dirigeants est membre du comité de la SSE, de la caisse de compensation qui délivre la fameuse attestation et, détail piquant, se trouve être le président de la commission paritaire du gros œuvre, en charge du contrôle de l’application de la CCT.
Rien qu’à ce titre, il ne pouvait ignorer les graves antécédents de son sous-traitant.
Affaire gravissime et intérêt public
Cette affaire est gravissime, explosive même. Elle remet à nouveau en cause le partenariat social à Genève au moment où les syndicats genevois ont demandé l’ouverture de négociations salariales et conventionnelles aux représentants de la SSE et du GGE englobant justement les questions de la limitation de la sous-traitance et de la responsabilité solidaire.
Le SIT n’en restera pas là. Il va examiner toutes les pistes pour que les entreprises qui ont fait appel à la société EKA Sàrl sans la fameuse attestation assument leurs responsabilités et assurent le paiement des créances salariales des travailleurs, lesquelles se montent à plus de frs 300’000.—. Pour ce qui est des administrateurs de cette dernière, le Ministère public devrait bientôt s’intéresser de près à leur cas.
La Justice sociale dans ce canton ne doit pas être un mot vain et il en va de l’intérêt public de trouver une bonne fois pour toutes des solutions pour mettre fin au fléau que constitue la sous-traitance frauduleuse pour les travailleurs et la collectivité.
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