A partir des critères de pénibilité objective du travail tels que définis par la littérature scientifique, notamment les contraintes physiques et les astreintes horaires, il est déjà possible, même en l’absence à ce jour d’indicateurs précis, d’identifier un certain nombre de professions qui devraient être nécessairement comprises dans la catégorie des métiers à pénibilité.
Commençons par le cas certainement le plus emblématique qui est celui des aides soignantes. Travaillant la plupart sept jours sur sept, 24 heures sur 24, elles sont coutumières des fameux « horaires à coupure » qui allongent de fait la journée de travail sur 13 ou 14 heures. Dans le meilleur des cas elles ont par ailleurs accès à leur planning deux mois à l’avance, les contraignant à une incessante gymnastique organisationnelle qui, à terme, perturbe les rythmes biologiques et entraîne des effets irréversibles sur l’état de santé. Quant au travail de nuit, son effet nocif est maintenant bien connu (pour ne citer qu’une étude suisse, voir : Travail de nuit sans alternance : trajectoires professionnelles et santé, étude réalisée sur mandat du seco par Daniel Ramaciotti, Céline Dubey et Olivia Lampert, Université de Neuchâtel, Mars 2005).
Quant aux tâches elles-mêmes : les aides soignantes passent le plus clair de leur journée de travail debout, effectuant de tout petits déplacements (pénibilité connue sous le terme de « piétinement » et elles ont à mobiliser des charges importantes par le fait de lever les patients, les mettre dans une chaise ou encore les laver et habiller. Pour la plupart de ces mouvements, elles se retrouvent de surcroît dans des postures le plus souvent pénibles comme : penchées en avant, prise en charge asymétrique, etc.
Quand on sait par ailleurs qu’elles sont payées dans des classes allant de la 5 à la 7 en fonction de leur formation alors que la classe minimale est la 4, on comprend bien que leur cas, en tant qu’il relève des « métiers pénibles » ne souffre aucune discussion.
Dans une moindre mesure, et selon toutes les dimensions y compris salarial, les infirmières présentent un profil très proche des aides soignantes. Cela vaut également pour les auxiliaires de santé ou les ASSC. Dans le même registre soignant toujours, les aides familiales de la FSASD sont clairement à inscrire dans la liste. Si elles ne travaillent pas de nuit, elles ont exactement les mêmes contraintes d’exécution que les aides-soignantes, avec en plus celles des aides à domiciles (qui fournissent l’aide pratique au patient comme le nettoyage et le repassage) et sont par contre soumises aux intempéries puisqu’elles font leur tournée qu’il vente ou qu’il neige.
Très présents dans le secteur de la santé, mais hors personnel soignant, on trouve encore différents métiers dont la pénibilité ne fait guère de doute, comme le personnel de nettoyage, celui de cuisine et de salles à manger ou encore de lingerie-buanderie. Ce sont toutes, à des degrés divers, des fonctions qui imposent du port de charge et des contraintes posturales. Exercées en milieu hospitalier, elles s’accompagnent de surcroît d’astreintes horaires, comme pour les nettoyeurs des HUG qui voient leur activité s’étaler sur une plage horaire de 4 à 22h !
Après un premier passage en revue des métiers de l’hôpital, on a encore pu identifier déjà, parmi les principaux groupes professionnels, les laborants, les transporteurs de patients, les techniciens en radiologie et les collaborateurs du 144. A l’exception de ces derniers, tous sont soumis à des contraintes physiques en sus d’un travail en 24h sur 24H. Et si l’on sort de l’hôpital, et du secteur de la santé à proprement parler, on trouve des contraintes horaires fortes dans le social et l’éducation spécialisée avec le personnel des foyers, ainsi que des contraintes physiques dans la plupart des rares métiers manuels qui continuent d’être exercés sous l’égide de l’Etat. A ce niveau d’analyse, si tous les métiers mentionnés ci-dessus font clairement partie du groupe des « métiers pénibles », on identifie pour l’instant un groupe professionnel relativement important, quantitativement parlant, dont le rattachement n’est pas complétement évident et mérite des approfondissements, c’est celui des opérateurs de saisie, dont on sait qu’ils souffrent à terme de troubles musculo-squelettique (TMS).
Il faut enfin relever que l’expérience concrète de terrain valide le résultat des enquêtes de pénibilité. Pour la plupart des métiers identifiés à l’aide des critères issus de la littérature, le SIT sait bien, par son contact quotidien avec les salarié-e-s, que ces métiers, à partir de 55 ans, deviennent très pénibles à exercer, au point même souvent de devenir insupportables. Et cela quasi indépendamment du parcours professionnel antérieur ; on observe en effet une sorte de seuil chronobiologique qui fait qu’à un certain âge il n’est plus vraiment possible de remplir certaines tâches. D’où l’importance que nous accordons à pouvoir maintenir pour les personnes concernées de pouvoir partir de manière anticipée avec une rente pleine.
Julien Dubouchet Corthay
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