Pour l’instauration d’un congé parental rémunéré

Le SIT réclame l’instauration d’un congé parental payé en complément de l’assurance maternité, car il est très difficile pour les parents d’articuler une activité professionnelle avec une vie familiale.

Un enfant demande énormément de temps, en particulier pendant les premières années de sa vie. Aujourd’hui, la plupart des femmes sont intégrées dans la vie professionnelle jusqu’à la naissance d’un enfant. Mais celle-ci entraîne souvent une rupture importante dans leur curriculum vitae, avec des répercussions négatives sur leur carrière. Beaucoup de femmes abandonnent leur activité professionnelle totalement ou partiellement faute de possibilités de concilier famille et travail de manière adéquate, ce qui cimente les inégalités salariales qui subsistent entre les sexes et impacte négativement leurs perspectives de rentes. L’absence de congé parental empêche de faire évoluer la répartition traditionnelle des rôles dans la prise en charge du travail familial. La progression de l’égalité entre femmes et hommes requiert de combler la pénurie de places d’accueil extrafamilial mais aussi de créer un véritable congé parental partagé entre le père et la mère.

Dans l’Union européenne, la directive du Conseil du 8 mars 2010 oblige l’ensemble des Etats membres à mettre en place un congé parental de quatre mois au minimum. Ce texte, qui remplace une directive antérieure datant de 1996, fait passer de trois à quatre mois le droit individuel à un congé parental des femmes et des hommes qui travaillent afin qu’ils s’occupent de leur enfant ou d’un enfant adopté jusqu’à l’âge de huit ans.

Aucune base légale en Suisse

Il n’existe toujours aucune base légale en Suisse permettant l’instauration d’un congé parental rémunéré. La très sérieuse Commission fédérale de coordination pour les questions familiales (COFF) s’est prononcée le 26 octobre 2010 en faveur d’un congé parental d’une durée maximale de 24 semaines. Dans ce modèle, chaque parent a un droit individuel de quatre semaines, qui n’est pas transmissible à l’autre parent. Le congé parental peut être pris pendant une période allant de la naissance à l’entrée à l’école. Pendant cette période, les prestations sont en principe ouvertes aux deux parents ; le critère d’attribution est la détention de l’autorité parentale. Tous les parents qui ont droit à un congé de maternité ou de paternité doivent pouvoir bénéficier, dans un deuxième temps, du congé parental et des allocations parentales. Ceux-ci ne doivent en aucun cas remplacer les dispositifs existants en lien avec la naissance. Le taux de substitution du revenu est de 80%, comme dans l’assurance-maternité, avec un plafonnement à 196 francs par jour.

Le Conseil fédéral et le parlement ont jusqu’ici rejeté toutes les interventions en faveur d’un congé parental. Le 7 septembre 2011, le Conseil fédéral a considéré que la réglementation actuelle, permettant aux partenaires sociaux de régler cette question dans les conventions collectives, avait fait ses preuves. Dans les faits, quelques administrations et entreprises offrent aux pères un congé de 5 à 20 jours pour la naissance d’un enfant, mais seule une minorité de salariés en bénéficient. Ces congés sont bien trop courts pour favoriser la création du lien indispensable au développement harmonieux du jeune enfant et pour que les pères participent davantage à la prise en charge des enfants. A l’instar du congé maternité, chaque syndicaliste sait que la négociation via les conventions collectives ne permettra pas de faire progresser sensiblement le dossier. Seule une loi fédérale est susceptible de garantir une égalité de traitement entre toutes les entreprises et déjouer l’argument de la concurrence entre elles.

24 semaines à se partager entre père et mère

Le 21 septembre 2011, c’est au tour de la Commission fédérale pour les questions féminines (CFQF) d’inviter instamment le Conseil fédéral et le parlement à instaurer un congé parental rémunéré régi par la loi en mettant l’accent sur les raisons de politique de l’égalité qui justifient la nécessité d’une réglementation moderne incluant les deux sexes. La CFQF considère que 24 semaines est un minimum voire un minimum absolu. Du point de vue de la politique de l’égalité, il est important que ces 24 semaines soient partagées par moitié entre la mère et le père. Le modèle de la CFQF prévoit que le congé parental peut être pris pendant une période allant de la naissance à l’entrée à l’école. Il faut que le congé parental puisse être fractionné. La CFQF a envisagé deux variantes pour la période de congé qui se justifient l’une et l’autre.

Deux variantes

Dans la variante courte, le congé parental peut être pris pendant les 3 ou 4 premières années de l’enfant. L’argument en faveur de cette variante est le fait que les fondements de la relation parents-enfant se construisent au cours des premières années de la vie. De plus, la prise en charge des enfants est intensive et chronophage pendant cette période. La réorganisation de la vie quotidienne et la gestion du temps sont particulièrement difficiles pour les parents durant les premiers mois qui suivent la naissance d’un enfant et elles conduisent souvent les mères à abandonner leur activité professionnelle totalement ou partiellement. A partir de 3 ou 4 ans, les enfants sont plus nombreux à fréquenter une structure d’accueil extrafamilial (jardin d’enfants, crèche, parents de jour, groupe de jeu, etc.), ce qui allège un peu la pression sur les parents.

Dans la variante longue, le congé parental peut être pris pendant les 6 premières années de l’enfant. Cette variante présente l’avantage de donner aux parents une plus grande liberté pour trouver un arrangement adapté à leur situation familiale. L’entrée à l’école se fait en règle générale vers les 6 ans. Il est important que le congé parental puisse être fractionné, quelle que soit la variante, afin que les parents puissent trouver des solutions individuelles et s’entendre avec leurs employeurs respectifs.

Un financement par la perte de gain

Par analogie avec la réglementation de la perte de gain en cas de maternité, le taux de substitution du revenu doit être fixé à 80%, avec un plafond indexé (situation en 2011 : 196 francs par jour). La CFQF considère que les allocations parentales peuvent être financées par le régime des allocations pour perte de gain, mais aussi par la TVA et laisse au Conseil fédéral et au parlement d’examiner plusieurs modèles de financement. Le SIT considère que le financement devrait être identique à celui du congé maternité. L’assurance perte de gain a fait ses preuves et elle constitue un modèle qui est plus juste socialement que la TVA. Toutes les entreprises y contribuent ainsi que tous les salarié-e-s. Il est devenu urgent de légiférer sur le sujet pour consolider la politique de l’égalité. Il suffit de s’appuyer sur le modèle de l’assurance maternité fédérale qui offre un dispositif prêt à l’emploi.

Valérie Buchs/Sit-info décembre 2011