Protégeons les salaires, pas les frontières !

Résolution de l’Assemblée de délégué-e-s de la CGAS du 21 novembre 2013

Face à l’inquiétante progression de la sous-enchère salariale et à la montée de réactions xénophobes, les syndicats genevois déplorent le peu d’avancées en matière de mesures d’accompagnement et les contours de l’accord de libre circulation avec la Croatie. Alors qu’ils rejettent clairement l’initiative xénophobe de l’UDC contre l’immigration de masse, ils exigent d’augmenter massivement les contrôles et les sanctions contre les abus patronaux et lutteront pour davantage de droits pour les salariés par tous les moyens syndicaux et notamment par le biais des initiatives syndicales pour le salaire minimum et pour le renforcement du contrôle des entreprises. Concernant cette dernière, les syndicats genevois attendent à ce que le peuple puisse rapidement se prononcer.

Les résultats du deuxième tour des élections au Conseil d’Etat genevois, qui ont marqué l’entrée au gouvernement d’une force qui a bâti sa campagne sur une propagande haineuse anti-frontalière et anti-étrangère, ouvrent une nouvelle période dont on est loin de prévoir la fin : avec le lancement d’une initiative « pour la préférence cantonale », le MCG prépare le terrain pour les prochains votes sur l’initiative UDC « contre l’immigration de masse » (en février 2014), l’initiative « Ecopop » et sur l’élargissement de la libre circulation à la Croatie.

Des votes favorables à ces initiatives signifieraient le retour au système inique des saisonniers, d’autres permis de courte durée et des contingents établis en fonction des besoins du patronat, contre lesquels les syndicats se sont battus pendant des décennies. Loin de limiter l’immigration, le retour au système des contingents préconisé par l’initiative de l’UDC, servira en réalité à précariser et exploiter davantage les travailleurs immigrés et à offrir au patronat une main d’œuvre privée de droits et de perspectives. La division des travailleurs en diverses catégories de droit ne pourra que péjorer la situation salariale et sociale de l’ensemble des travailleurs, qu’ils soient immigrés ou suisses. Pour le mouvement syndical genevois il s’agit de réaffirmer que seule la lutte pour des droits salariaux, sociaux et syndicaux, égaux pour toutes et tous, constitue une défense efficace contre tout abus patronal.

Mais le succès que rencontrent aujourd’hui les positions anti-immigrés notamment parmi les travailleurs, trouve son origine dans la réalité vécue tous les jours d’une mise en concurrence acharnée et une pression réelle sur les salaires et sur les emplois. Or, face à la propagande haineuse de la droite xénophobe, les syndicats genevois le disent haut et fort :

La Suisse n’a pas aujourd’hui « un problème d’immigration », mais un problème de pression sur les salaires, et les responsables de cette pression ne sont pas les travailleurs immigrés, mais des employeurs suisses sans scrupule. Force est de constater que ce ne sont ni les partis de droite ni les patrons qui œuvrent dans ce sens comme le montrent les récents cas de dumping dénoncés par les syndicats à Zurich, au canton de Vaud ou à Davos. Des exemples qui prouvent que les mesures d’accompagnement actuelles, souvent couvertes par les autorités politiques, sont loin d’être à la hauteur de la force criminelle de certains employeurs.

La Suisse n’a pas aujourd’hui « un problème d’immigration », mais un problème de graves carences dans la législation et la règlementation du travail, en comparaison internationale. Et les responsables de ces carences, dont les travailleurs payent le prix tous les jours, ne sont pas les travailleurs immigrés, mais la droite et le patronat qui démantèlent les conventions collectives de travail, refusent le salaire minimum légal, refusent les protections contre les licenciements, refusent d’améliorer les mesures d’accompagnement. La libre-circulation agit comme révélateur des lacunes de protection du marché du travail, et des logiques patronales qui empêchent la mise en place des nécessaires protections contre les abus. Or face à une concurrence accrue, il faut imposer des règles valables pour toutes et tous et les faire respecter, à commencer par un salaire minimum légal.

Force est aussi de constater que les négociations en cours avec le Conseil fédéral pour améliorer des mesures d’accompagnement ne promettent rien de bon, la droite et le patronat ayant déjà annoncé qu’il n’y aurait pas de nouvelles protections pour les travailleurs ! Pire encore, l’accord d’extension de la libre circulation à la Croatie s’oriente une fois de plus vers un renforcement du contrôle de l’immigration, soupçonnée d’être à l’origine de la sous-enchère, en prévoyant durant un délai de 10 ans des contingents et la possibilité de déclencher la clause de sauvegarde. Le Conseil fédéral semble ignorer que l’expérience a montré que de se rapprocher des thèses xénophobes et nationalistes pour prétendument les combattre n’est qu’une leurre. Au contraire, c’est élargir leur assise. Or, ce ne sont pas les frontières qui ont besoin d’une protection accrue, mais bien les salaires et la législation du travail ! C’est pourquoi les syndicats genevois exigent aujourd’hui un renforcement massif des mesures d’accompagnement à la libre circulation des personnes, en :

- augmentant les contrôles, avec des sanctions plus dures contre les abus patronaux ;
- protégeant les salariés contre les licenciements, et notamment ceux et celles qui s’opposent à la sous-enchère salariale et sociale dans l’entreprise ;
- garantissant le droit d’accès sur les lieux de travail aux syndicats et le droit d’information aux travailleurs.

Les syndicats genevois appellent également aujourd’hui à constituer un large front pour garantir la protection des salariés en combattant les initiatives xénophobes, et notamment l’initiative UDC « contre l’immigration de masse » et en luttant pour l’initiative syndicale pour un salaire minimum, seule garantie pour protéger réellement les salaires.

La CGAS invite le Grand Conseil à interpeller le Tribunal fédéral pour que l’initiative syndicale pour le renforcement des contrôles des entreprises (IN 151) soit enfin soumise au peuple en mettant fin à l’obstruction patronale à l’origine du recours. Une pétition sera transmise au parlement et accompagnée par un rassemblement le jeudi 28 novembre 2013 à 16h devant le Grand Conseil.

Cela étant, la CGAS ne renoncera jamais à soutenir ou à organiser sur les lieux de travail les résistances à tous abus patronaux, à contraindre les employeurs à respecter leurs personnels et mieux contribuer à l’amélioration des conditions d’existence des travailleuses et travailleurs.