Les pratiques frauduleuses dans la construction font école dans l’hôtellerie-restauration

Deux travailleurs ont été exploités par leur employeur durant la rénovation de son futur restaurant, Kikro, situé à la rue de Berne, dans le quartier des Pâquis. A sa base, malheureusement, l’affaire est plutôt classique : des employés sous-payés. Les deux travailleurs de la construction ont été embauchés directement par le restaurateur pour rénover les lieux. Ils ont travaillé 99 jours, ont comptabilisé 776 heures de travail, et n’ont reçu que 2900 francs nets chacun. Mais l’histoire se complique légèrement lorsque nous apprenons que ces travailleurs auraient été intimidés par leur patron Karim Atif. Lors de discussions avec ses employés, le propriétaire du restaurant aurait subrepticement déposé son arme de poing sur le bureau, histoire de faire comprendre que les droits des travailleurs ne font pas partie de son vocabulaire. En ne payant pas ses employés, M. Atif contrevient aux usages, qui fixent les conditions de travail dans la branche. Alors que le non-respect des conditions de travail sont légion dans l’hôtellerie et la restauration à Genève, il va sans dire que nous n’avons aucune peine à imaginer ce qu’il adviendra de son personnel de service. Mais l’affaire ne se termine pas là. Derrière le patron de l’établissement, il y a encore le propriétaire de l’immeuble, M. Jacques Gabrache. Presque centenaire, ce magnat de l’immobilier, grand connaisseur des milieux financiers et de la restauration, baigne dans des affaires louches. Il possède plusieurs immeubles aux Pâquis et a notamment été condamné pour contrainte et usure par métier à l’égard de travailleuses du sexe en 2016 et a écopé de treize mois de prison avec sursis et d’une amende de 8000 francs. Tout laisse à penser qu’il profite de la précarité des travailleurs engagés par son bailleur pour rénover à moindre coût, pour ne pas dire gratuitement, son parc immobilier. Le SIT s’insurge et se mobilise contre l’exploitation de travailleurs par des patrons fraudeurs et des richissimes propriétaires sans scrupules. Si, pour eux, les salaires impayés ne sont qu’une transaction minime, il s’agit pour les travailleurs de leurs moyens de subsistance.

Face à cette situation inacceptable, le SIT est intervenu auprès de Kikro Sàrl par courrier du 11 juillet pour exiger le payement des arriérés de salaires dus à ses membres. Nous attendons le versement de près de 24’000 francs pour chaque employé ainsi que la production des contrats de travail, des fiches de salaires en bonne et due forme et les preuves de la déclaration aux assurances sociales. Sans réponse, le syndicat a tenu un piquet syndical mardi matin devant le restaurant. Sans plus de succès, le patron se contentant de nier l’évidence. En guise de recours, le SIT a interpellé le sulfureux propriétaire Jacques Gabrache, pour exiger de sa part qu’il assume le payement des arriérés de salaire des ouvriers lésés. Avec cette affaire, qui démontre que les patrons fraudeurs redoublent d’inventivité pour contourner les dispositions légales en vigueur afin d’engendrer toujours plus de profit, le SIT entend développer de nouveaux moyens de lutte pour défendre tant les employés de la construction amenés à rénover des établissements publics, que celles et ceux du secteur de l’hôtellerie-restauration qui se verraient exploités par la suite par les mêmes protagonistes.

Dans ce contexte, le SIT est intervenu le 18 juillet dernier auprès de l’OCIRT afin de dénoncer les abus constatés. A cette occasion, le syndicat a demandé également que ce dernier réexamine les conditions d’octroi de l’autorisation de commerce de Kikro Sàrl, et, le cas échéant, qu’il prononce une décision de caducité de ladite autorisation conformément aux dispositions de la nouvelle loi sur la restauration, le débit de boisson, l’hébergement et le divertissement (LRDBHD) et de l’article 45 Lirt.

Le SIT s’engage à poursuivre sa lutte contre les patrons fraudeurs quel que soit le secteur dans lequel ils sévissent. Dans le secteur de l’hôtellerie-restauration plus particulièrement, il exigera à l’avenir, systématiquement, la remise en question des autorisations de commerce qui leur auraient été accordées. Si un patron s’attaque aux revenus de ses employés, quelqu’un devra bien s’attaquer aux profits du patron.

Construction et Hôtellerie-restauration : même combat contre l’exploitation et l’impunité des patrons !

Pour tout renseignement complémentaire : • Thierry Horner • Marlene Carvalhosa Barbosa